Le marché carbone de l'Union européenne - techniquement le “Système d'Échange de Quotas d'Émission de l’Union Européenne” ou SEQE UE - est le pilier de la stratégie climatique et énergétique de l’Union européenne. Il est régulièrement appelé par son acronyme anglais: EU ETS, pour European Union Emissions Trading Scheme.
Son objectif est de mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre. Le prix d’une tonne de CO2 correspond au cours du quotas d’émission européens, un titre financier émis par la Commission européenne qui représente le droit de consommer 1 tonne du budget carbone commun.
Ce mécanisme permet de réduire massivement et rapidement les émissions des industries assujetties au marché carbone européen.
Au cours des vingt dernières années, l’UE ETS est devenu un marché sophistiqué et liquide, représentant un volume d’échange de 800 Milliards d’euros et ayant entraîné une baisse de près de 1 milliard de tonnes de CO2.
Pour maximiser son impact sur l'environnement, le marché carbone européen s’impose aux industries les plus fortement émettrices. Après l’énergie, la métallurgie, la pétrochimie et d’autres industries manufacturières, le marché carbone européen s’est étendu au transport maritime en 2024.
2025 est une année de transition pour l’EU ETS. La très forte baisse des émissions du secteur énergétique renforce le poids relatif du secteur industriel dans la demande en quotas d’émission. C’est donc de nouvelles dynamiques qui vont dicter les prix, avec une décorrélation progressive entre les quotas d’émission et le prix du gaz. Par ailleurs, l’offre de quotas - fixé par la Commission européenne - va se contraindre fortement en 2026 et 2027. Par anticipation, cela va provoquer une demande supplémentaire en 2025 de la part des investisseurs financiers qui souhaitent se construire une position longue sur l’EU ETS.
Qu’est ce que le marché carbone européen
Le marché carbone européen est une construction politique et réglementaire qui fait suite à l’accord de Kyoto. C’est l’outil choisi par l’Europe pour mettre un prix sur les émissions afin de les réduire jusqu’à les supprimer entièrement, et ainsi lutter contre le bouleversement du climat.
Dans le cadre d’un système d’échange de quotas d’émission (SEQE), ce n’est pas l’Union européenne qui fixe le prix. En revanche, elle détermine la quantité de quotas d’émission disponible, sachant qu’un quota doit être restitué par les entreprises émettrices pour chaque tonne de CO2 émise. Ainsi, c’est le marché qui fixe le prix des quotas, en fonction de la demande (c'est-à-dire le besoin d’émettre du gaz à effet de serre) et de l’offre disponible (fixée par la Commission européenne).
Dès lors, le prix des émissions va s’adapter librement, et permettre de décarboner rapidement et efficacement l’économie européenne. Au cours des 20 dernières années, c’est près de 50% des émissions soit 1 milliards de tonnes de CO2 qui ont ainsi été supprimées par l’EU ETS.
La lente évolution du marché carbone européen
Le SEQE évolue, régulièrement, suivant les décisions des Etats membres et des institutions européennes qui répondent au contexte économique, géopolitique, ou climatique.
Cette souplesse permet au EU ETS de s’adapter régulièrement et ainsi d’améliorer son efficacité. Par exemple, c’est l’introduction d’une réserve de stabilité en 2018 qui a entraîné une hausse des prix et donc une accélération de la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
En même temps, ce système de “pilotage” réglementaire est à la fois lent et prévisible : le processus législatif européen fait intervenir 27 pays membres au sein du Conseil européen et du Conseil de l’Union européenne, mais aussi 720 députés au parlement européen, ainsi que 21 commissaires à la Commission européenne. Cela confère au système législatif européen une stabilité et prévisibilité unique. Et le marché carbone européen, arme principale des pays de l’Union pour stabiliser le climat, hérite de ces caractéristiques.
L’évolution du plafond de quotas d’émission sur le marché carbone européen
Le marché carbone européen est un marché fini. C'est-à-dire que son unité d’échange - les quotas d’émission européens ou EUA pour European Union Allowances - est disponible en quantité limitée sur le marché. Et cette quantité est décroissante dans le temps.
On appelle “facteur de réduction linéaire” le rythme de décroissance du plafond. Plus ce facteur est élevé, plus le plafond diminue rapidement, et donc, à demande constante, plus le prix des quotas augmente. En effet, le prix est le point d’équilibre entre l’offre et la demande, et le facteur de réduction vient diminuer l’offre.
Et plus le prix augmente, plus les industries assujetties ont une incitation économique forte à investir dans des solutions de décarbonation.
Entre 2013 et 2020, le facteur de réduction linéaire était de 1,74 % par an, puis de 2,2 % de 2021 à 2023. Début 2024, il a grimpé à 4,3 %, reflétant une approche plus agressive de la réduction des émissions et une volonté de stimuler le marché carbone européen. Il est déjà prévu qu’il soit augmenté à 4.4% à partir de 2028.
Cette réduction de la quantité de quotas disponibles souligne également le soutien politique envers la lutte contre le bouleversement climatique. Dans un contexte de crise de l’inflation, de crise de l’énergie, et d’une guerre terrestre aux portes de l’Europe, le climat reste un pilier de la stratégie européen.
Les évolutions du marché carbone européen en 2024
En 2024, de nombreux changements ont été mis en œuvre sur le marché carbone européen, en plus de l’augmentation du facteur de réduction linéaire.
L’évolution la plus importante a concerné l’extension du système d’échange de quotas d’émission au transport maritime. En effet, à partir de 2024, les navires de fret et les navires de transport de passagers d'un tonnage brut égal ou supérieur à 5 000 ont été inclus dans le système d'échange de quotas d'émission de l'UE. Toutes les émissions provenant des voyages entre les États membres de l'UE doivent être prises en considération. Lorsqu'il s'agit de voyages entre des États membres de l'UE et d'autres pays, 50 % des émissions entrent dans le champ d'application du marché carbone européen.
Par ailleurs, depuis 2024, l’ensemble des recettes générées par la vente des quotas d’émission et redistribuée aux Etats membres doit être utilisé pour financer les objectifs climatique des États. En 2024, cela représente près de 40 milliards d’euros de recettes.
Enfin, le plafond de quotas d’émission a connu un changement de base, c’est à dire une diminution exceptionnelle de 90 millions de quotas. Cela a renforcé les contraintes de conformité des secteurs assujettis, et donc le soutien au climat des pays membres de l’Union.
Le prix du marché carbone européen en 2024
Le cours du quota d’émission en 2024 s’est établi à €65.22 en moyenne, avec un prix de €73.17 le 2 janvier 2024 et €70.95 le 31 décembre. Le minimum était de €50.50 et le maximum de €74.57. La volatilité annuelle était de 36.83%, ce qui fait de 2024 une année avec une forte volatilité.
L’année a été marquée par une mise sur le marché d’une grande quantité de quotas dans le cadre du programme RePowerEU en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela a entraîné une chute des prix. La faiblesse de l’activité industrielle a également été défavorable à l’appréciation du cours des EUA. Les élections européennes de juin 2024 ont également eu un impact à court terme, générant de l’incertitude sur les marchés.
Enfin, le cours des quotas d’émission sur le marché carbone européen a connu une forte corrélation avec le prix du gaz pendant l’année 2024, ce qui indique une dominance de la demande des énergéticiens et une fébrilité des positions à long termes.
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Marché carbone européen : à quoi s’attendre en 2025
L’année 2025 est une année de transition avant les grands changements de 2026, 2027, et 2028. Cette année, il n’y a pas de changement réglementaire majeur. En revanche, la structure de marché change, avec la diminution du poids relatif des énergéticiens au profit de l’industrie lourde, et une anticipation de la contraction de l’offre.
Recomposition de la demande sur le marché carbone européen
Historiquement, les énergéticiens sont très majoritaires parmi les participants au marché. Cela est dû au fait qu’ils ne bénéficient pas d’allocations gratuites, et que leur activité est très fortement émettrice. Toutefois, grâce à l'efficacité du marché carbone européen, les émissions de gaz à effet de serre des énergéticiens ont très fortement diminué ces dernières années. Dès lors, leur poids relatif a également diminué. En parallèle, les allocations gratuites octroyées aux industries lourdes et installations manufacturières sont en train d’être supprimées.
Les années qui viennent vont donc voir des mécanismes de formation de prix différents se manifester. Le transfert gaz-charbon des énergéticiens ne sera pas un facteur aussi important, et donc la corrélation entre les EUA et le gaz devrait chuter. Par ailleurs, le coût marginal de réduction des émissions est bien plus élevé pour l’industrie que pour l'énergie,c e qui devrait soutenir l’appréciation du cours des quotas d’émission européens.
Anticipation de la contraction de l’offre en quotas d’émission
Dans sa stratégie d’indépendance énergétique et de découplage au gaz Russe, la commission européenne à prévue une modification du calendrier de mise sur le marché des quotas d’émission. Cela devait permettre de financer ladite stratégie, RePowerEU, via les recettes additionnelles des quotas d’émission.
Cependant, cela implique aussi que les quotas supplémentaires mis sur le marché en 2023 et 2024 sont ceux qui devaient l’être en 2027 et 2028. Donc suite au surplus d’offre, il va y avoir contraction de l’offre, qui devrait faire augmenter les prix.
En anticipation, les fonds d’investissement et autres acteurs financiers construisent petit à petit leurs positions, en accumulant les EUA. Ce faisant, ils constituent une demande en soutien des prix, avec un effet potentiellement auto-réalisateur.
Le prix des EUA sur le marché carbone européen en 2025
Le marché carbone européen à ouvert l’année à un prix de €71.52, avant de connaître une forte hausse jusqu’à plus de €81 mi février, puis une chute en dessous de €60 début avril. Les projections du prix moyen sur l’année sont autour de €75, en hausse de 15% par rapport à 2024.
Ce qu’il faut retenir
- L’année 2025 est une année de transition idéale pour construire une position longue.
- Cette année, il n’y a pas de changement réglementaire majeure attendu
- Les énergéticiens ont beaucoup diminué leurs émissions, donc la demande va progressivement être dominée par les industriels.
- Les acteurs financiers anticipent la contraction de l’offre pour accumuler des quotas d’émission
- Les projections anticipent un prix moyen de 75€ sur l’année